"En hiver, tout meurt. Ainsi rugissait la mer autour des rivages d'Inverara"
L'Ame Noire de Liam O'Flaherty
Editions Le Rocher; collection Anatolia - 210p
# La 4ème de couv' # [abrégée ^^]
Un étranger, blessé dans son corps et dans son esprit, vient loger dans l'île d'Inverara, chez un couple dont les années de mariage ont été dépourvues de joie - et la présence de l'arrivant déchaîne leurs passions...
Pluie de coups de foudre! Après les Lagerlöf, voici de nouveau un roman très dense, très puissant...
...Puissance des mots.
Le style est splendide, somptueux. Les phrases coulent, se déploient, captivent. Les descriptions sont éblouissantes, on s'y croirait; j'ai eu l'impression d'être sur cette île, d'y voir défiler les saisons; j'ai vu la mer déchaînée, humé l'odeur des embruns, senti le vent me fouetter le visage. Ces descriptions sont le sel du récit, elles participent activement à l'intrigue. Elles mettent le lecteur en condition, s'insèrent naturellement dans l'histoire. Grâce à elles, j'ai mieux compris les personnages, leurs humeurs; dans ce livre, la Nature vit au rythme des protagonistes...où le contraire...
...Puissance des sentiments, des caractères.
Ici, pas de demi-mesure. Les personnages sont entiers, exaltés, certains tourmentés. Ils ont des caractères affirmés, des sentiments violents, et parfois des actes qui ne le sont pas moins...à l'image de la Nature qui les entoure. Cela ne signifie pas un régne du manichéisme. Non, chaque protagoniste à ses défauts et des qualités. C'est en fait une oeuvre d'une grande finesse. On sent que l'auteur s'est beaucoup investi, qu'il y a mis ses "tripes" pour parler familèrement.
...Puissance psychologique, aussi.
Ce roman m'a stupéfiée par sa profondeur. Les personnages principaux, surtout l'Etranger, sont très étudiés. Non pas disséqués, comme chez Zola par exemple; on rentre dans leur tête, dans leur peau. On connait leurs doutes, leurs peines. O'Flaherty réalise ainsi de magnifiques portraits.
Celui de l'Etranger est sûrement le plus abouti. On suit son évolutions, sa lutte intérieure, entre son Ame noire - son côté cynique, blasé, orgueilleux - et son côté plus "pur" (dixit O'Flaherty). L'Etranger se débat, tantôt pour la Vie, tantôt contre, fuyant l'amour, la tendresse, les plaisirs simple; cultivant son orgueil, ses prétentions, son "intellect supérieur"... C'est un personnage qui agace, mais que je n'ai pu m'empêcher d'aimer.
Les portraits de la Petite Mary et de son mari John le Rouge ne sont pas en restent: bien que moins présents, ils sont également profonds et vivants.
Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup apprécié ce roman, que je vous recommande chaudement !
Miranda- The Tempest de J.W.Waterhouse