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Qu'importe le livre, pourvu qu'on ait livr'esse...
Qu'importe le livre, pourvu qu'on ait livr'esse...
23 septembre 2007

Hugo & l'Océan

Après un tel billet à thème, un poème d'Hugo s'imposait. J'en ai choisi un dont les premières strophes sont très connues, mais la suite un peu moins. Ce texte correspond tout à fait aux deux ouvrages évoqués précedemment et m'a frappé par sa puissance d'évocation...
Bonne lecture !


Le Bateau vision - Victor Hugo

Oceano nox

Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfouis !

Combien de patrons morts avec leurs équipages !
L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages
Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots !
Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ;
L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots !

Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !
Vous roulez à travers les sombres étendues,
Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus.
Oh ! que de vieux parents, qui n'avaient plus qu'un rêve,
Sont morts en attendant tous les jours sur la grève
Ceux qui ne sont pas revenus !

On s'entretient de vous parfois dans les veillées.
Maint joyeux cercle, assis sur des ancres rouillées,
Mêle encor quelque temps vos noms d'ombre couverts
Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventures,
Aux baisers qu'on dérobe à vos belles futures,
Tandis que vous dormez dans les goémons verts !

On demande : - Où sont-ils ? sont-ils rois dans quelque île ?
Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile ? -
Puis votre souvenir même est enseveli.
Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire.
Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli.

Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue ?
Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur,
Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
Parlent encor de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur coeur !

Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre
Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond,
Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne,
Pas même la chanson naïve et monotone
Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont !

Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?
O flots, que vous savez de lugubres histoires !
Flots profonds redoutés des mères à genoux !
Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir quand vous venez vers nous!

Victor Hugo, in Les Rayons et les Ombres, XLII, 1840

D'autres illustrations de V.Hugo ? Rendez-vous ici !

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Commentaires
M
Merciiiiiiiii !<br /> Je reviens très vite, promis, j'ai plusieurs idées de billet. Un des livres devraient d'ailleurs vous plaire, Lamousmé et Lilly ^^
L
oui, on acceptera tout, même que tu nous parles de je ne sais quel horrible auteur ;o))
L
morwenna revientttttttttttttt !!!! ;o)
I
Ce poème est magnifique. Je n'en connaissais que quelques vers.
L
Je ne connaissais que les premiers vers, merci pour la suite! J'adore les poèmes de Victor Hugo, ils sont toujours passionnés.
Qu'importe le livre, pourvu qu'on ait livr'esse...
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